Cameroun : Tribalisme, maladie difficile à soigner

Article : Cameroun : Tribalisme, maladie difficile à soigner
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19 mars 2015

Cameroun : Tribalisme, maladie difficile à soigner

Avec plus de 250 dialectes sur l’ensemble du territoire national, difficile de vivre en parfaite harmonie avec tous les compatriotes et d’occulter le problème de tribalisme au Cameroun.

 carte ethnies Cameroun

Oui, mon pays ne peut occulter ce problème présent dans son quotidien. Ce problème dont tout le monde refuse de parler tout haut mais qui pourtant se retrouver dans la bouche des camerounais. Ce problème qui empêche certaines personnes d’évoluer ou d’accéder à des postes. Ce problème qui empêche des amoureux de faire leur vie ensemble. Ce problème qui entraîne des conflits qui peuvent même être des fois sanglants.

Oui, mon pays a choisi de vivre avec le tribalisme, ce mal qu’il faut pourtant soigner, ce mal qu’il faut apprendre à dominer, ce mal qui fait tant souffrir plusieurs personnes.

D’où cela peut-il provenir?

A mon humble avis, le tribalisme au Cameroun puise son origine dans le mode de vie de nos ancêtres ou plus proche de nous, de nos grands-parents et parents. En effet, avant les indépendances (les années 1960), la plupart des Camerounais naissaient et vivaient en campagne, entourés des « frères » du village. Cela a contribué à renforcer le sentiment d’appartenance à une tribu exemplaire et de nourrir les préjugés sur les autres tribus, parfois inconnues, du reste du pays. Résultat, certains préjugés et a priori ont la peau dure en ce qui concerne le regard d’une tribu sur une autre ou sur les autres.

Un exemple de tribalisme que j’ai pu vivre personnellement

Cela s’est passé à Awaé, localité située à 42 kilomètres de Yaoundé où j’ai travaillé de 2012 à 2015. L’ethnie autochtone est constituée de Mvele, ils sont de la tribu Beti. Le plus grand exploitant agricole d’Awaé est un ressortissant Bamiléké (de la Région de l’ouest Cameroun). N’ayant pu trouver de la main-d’œuvre locale pour travailler dans ses champs, il a fait venir des travailleurs depuis les Régions de l’ouest et du nord-ouest, donc des bamiléké et des anglophones. Il leur a fait construire des campements pas loin de ses plantations et ils y résident toute l’année.

Le 7 octobre 2012, le meurtre d’une jeune dame a suscité la colère des autochtones, car ils imputaient ce meurtre aux « étrangers » venus travailler dans les champs appartenant à l’exploitant agricole bamiléké. Les enquêtes plus tard révèleront que la jeune fille en question menait une double relation avec des jeunes hommes originaires de la localité d’Awaé et qu’il s’agissait d’un règlement de compte lié à la jalousie de l’un de ses partenaires. Seulement, le mal était déjà fait et les populations étaient très remontées. Ils ont donc profité de cette occasion pour montrer leur tribalisme à travers des bastonnades à l’endroit des pauvres travailleurs de ces champs, ainsi que des destructions de culture. L’affaire ayant pris une sérieuse ampleur, étant que les routes menant à cette exploitation agricole avaient été bloquées par ces mêmes populations, le préfet du département de la Mefou et Afamba a effectué une descente sur le terrain afin de calmer les populations. Le 15 octobre 2012, le sous-préfet a convoqué une réunion de crise pour ramener la situation au calme car il s’agissait bel et bien de tribalisme. J’ai assisté à cette réunion et je préfère vous épargner les mots qui sortaient de la bouche de certains intervenants. Moi-même étant ressortissant de la région de l’ouest, j’ai eu froid au dos en entendant les dires de ces personnes et jusqu’à présent, je regarde toujours d’un œil différent les habitants de cette localité malgré l’accalmie revenue quelques temps après la tenue de la réunion de crise.

Des exemples pareils de tribalisme existent dans quelques coins du Cameroun, mais on n’en parle pas forcément. Heureusement, ces actes sont commis par une très petite minorité de gens et cela n’entrave en rien la paix et la sécurité dans notre territoire. Nous avons appris et nous apprenons encore à vivre ensemble entre frères camerounais. On assiste même de plus en plus à des mariages interethniques, preuve qu’avec de la volonté, nous pouvons surmonter ce tribalisme et construire tous ensemble un avenir meilleur pour nos enfants.

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